Chronique
En parler
La Presse
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C’est Sara, maintenant une femme, qui parle. Elle a témoigné dans la première partie de la série documentaire
, réalisée par Catherine Proulx et produite par Karine Dubois de Picbois Productions, qui prend fin ce soir à Télé-Québec (1). Son témoignage, magistral, montre à quel point des gestes peuvent marquer pour la vie, bombes à fragmentation qui explosent ici et là, le reste de la vie des victimes, au gré des événements qui la ponctuent.Sara « fonctionnait » à merveille, dans la vie. Directrice générale d’organismes communautaires, elle avait, comme elle dit, « un itinéraire », qui allait la mener à la politique avant 40 ans.
Puis, un jour, elle apprend qu’un enfant fréquentant l’organisme qu’elle dirige a été victime de harcèlement sexuel, en revenant vers son domicile. Sara file au palais de justice, veut suivre la cause, veut s’assurer que justice soit faite…
Jusqu’au moment où tout remonte à la surface. Jusqu’au moment où elle comprend que si elle est si viscéralement interpellée par cette histoire, c’est parce qu’en elle a commencé à résonner l’écho de sa propre enfance.
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Kama Sutra
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De tout ce qui s’est dit publiquement dans l’affaire Jutra, le plus exaspérant touchait à ce que les victimes auraient dû – ou n’auraient pas dû – faire, dire, penser…
Comme si la dynamique tordue de l’agression sexuelle était une chorégraphie prévisible, comme si l’itinéraire de vie des victimes était consigné dans un mode d’emploi rédigé par des MBA.
Il t’arrive X, tu fais Y.
Z, tu dis C.
Ce serait l’fun que ce soit si clair, si simple.
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Sara, la femme qui témoigne, secoue la tête.
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Sara a porté plainte, et son agresseur a été condamné. Et quand ce genre de crime, ce genre de drame, fait la manchette, c’est bien souvent la fin de la saga, médiatiquement. La justice triomphe, le salaud est enfermé, passons au prochain fait divers…
Sara avait besoin d’autre chose. La peine de prison n’avait pas refermé toutes les plaies. Le stress post-traumatique sévère qui la plombait était toujours là.
Sara a demandé, dans une démarche de justice réparatrice, à parler avec un agresseur. Pour comprendre ce qui se passe dans la tête de ces personnes. Elle a pu rencontrer un père incestueux.
On est là, avec eux, dans la salle. Une victime et un agresseur qui n’ont pas de lien entre eux, on appelle ça une médiation de crime apparenté.
Pour Sara, ce fut un premier pas vers une certaine… Oserais-je dire le mot guérison ? Mais elle a pu fermer certaines blessures, éteindre définitivement certains doutes, comme celui, terrible : étais-je la maîtresse du chum de ma mère ?
Elle a alors fait la demande pour rencontrer son agresseur.
Il a dit oui. On appelle ça la médiation pénale.
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1. Je n’ai aucun lien avec la production mais, transparence totale, je rappelle que je coanime une émission à Télé-Québec.
2. En 2013, j’ai écrit sur le pouvoir de dire les choses, devant les traumatismes.